Revue Z n°17
Saint-Étienne

Soigner la santé

15,00 

Cinq ans après le début de la pandémie de Covid-19, dans quel état se trouve l’hôpital public ? Comment expliquer les déserts médicaux ? Quelle place donner aux patient·es dans les pratiques de soin ? Et comment construire une médecine sans discriminations face aux violences médicales ? Cet automne 2024, c’est à Saint-Étienne que l’équipe de Z a cherché des pistes pour répondre à ces questions.

La santé a longtemps été au cœur des préoccupations des ouvriers et ouvrières, mais aussi des dirigeants et patrons de la cité forézienne. Dans les mines du xixe siècle, les sociétés de secours mutuel ont posé les prémices de la Sécurité sociale, créée en 1945. L’école qui forme ses cadres est d’ailleurs installée à Saint-Étienne depuis 1960. Mais le démantèlement progressif de cette institution fondée sur la solidarité met à mal l’existence d’un système de santé pour tous et toutes.

Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Étienne, à l’été 2024, c’est le service de soins psychiatriques qui a fermé ses portes pendant trois mois, faute de personnel. Cette évolution n’est pas nouvelle, et plusieurs historien·nes ont déjà fait la généalogie de ce « casse du siècle ». Quand a été instauré le numerus clausus ? Pourquoi des lits continuent-ils de fermer à l’hôpital, et quelles en sont les conséquences pour les soignant·es ? Comment les nouvelles techniques de management modifient-elles le travail hospitalier, des infirmièr·es aux agent·es d’entretien ?

Et encore, alors que la « santé mentale » est décrétée « grande cause nationale », dans quel état est le système de soins psychiatriques en France ? À côté de Saint-Étienne, l’hôpital psychiatrique de Saint-Jean-Bonnefonds a fait vivre pendant plusieurs décennies les principes de la « psychiatrie institutionnelle ». Que reste-t-il de cet héritage ? Les personnes concernées par des troubles psy investissent la pair-aidance comme manière de s’entraider et de se rétablir. Quelles formes prennent ces soutiens entre pair·es ?

La santé n’est pas qu’une question de chiffres, mais aussi de préjugés et de discriminations, bien ancrées dans les facultés de médecine et les cabinets de consultations. Collectifs de patient·es, infirmière scolaire, médecin du Planning familial, médecin généraliste trans, chibani·as organisé·es au sein de l’association Globe 42, membres d’un groupe d’entraide mutuelle, médecin d’un centre de santé à la campagne : autant de personnes qui construisent jours après jours une autre santé.

Toutes ces personnes et questions sont à retrouver dans les 176 pages de reportages, enquêtes, portfolios, fictions, grands entretiens et écrits intimes qui composeront ce prochain numéro.

176 pages – 21 × 30,9 cm – 15 €
ISBN – 9782491109134
À paraître le 23 mai 2025 !

Présentation / Hé ! Z, tu soignes quoi ?

Santé minée, Sainté déter’

Road trip / Et toi, c’est quoi ton désert médical préféré ?
À la ville et à la campagne, il y en a pour tous les goûts

Reportage / Houille, houille, houille
Quand l’or noir encrasse la santé

Entretien / « Le travail de mémoire est aussi une affaire de justice »
Une histoire de l’immigration à Saint-Étienne

Portfolio / Armeville existe toujours
Saint-Étienne en passe de redevenir une place d’armes

Analyse / Diagnostic : oppressions systémiques
Un accès au soin sous conditions

Histoire / Une histoire coloniale de la médecine
La suprématie blanche aux origines du racisme médical

Enquête / Derrière la « culture carabine », l’impunité médicale
Les violences sexistes et sexuelles en santé

Entretien / « Mes collègues qui faisaient des séances d’éducation sexuelle en primaire n’en font presque plus »
Laetitia, infirmière scolaire face au harcèlement réactionnaire

Reportage-témoignages / La santé n’est pas dans le pré
Qui prend soin des paysan·nes ?


Panser l’hôpital, bugner l’ordre médical

Confessions nocturnes / Une histoire où je parle de mon cul (et de maladie)

Histoire / Carte verte contre carte bleue
Défendons la Sécu !

Enquête / Algos à gogo
Quand la Sécu utilise l’IA pour mieux contrôler ses assuré·es

Voix entremêlées / Errances psy
Quelques fils tirés du dédale psychiatrique

Récit / L’hôpital de Saint-Jean-Bonnefonds
Le soin psychiatrique, entre espoir et désillusion

Déambulations / L’hôpital public en urgence vitale
Un reportage au CHU de Saint-Étienne

Infographie / La santé des soignant·es

Entretien / « Le soin devient une multitude de tâches standardisées »
Fanny Vincent, coautrice de La Casse du siècle. À propos des réformes de l’hôpital public

Témoignage / « On était vraiment au bout, c’est pour ça qu’on a fait cette grève »
Les ASH mettent le HPL en PLS

Entretien croisé / Se battre pour l’accès aux soins des Sourd·es
Maria, intermédiatrice sourde, et Myriam, psychologue soignante

Actions / Potion magique
Réinventer la santé en six étapes


Et du soin, fouilla !

Serment / Depuis la Palestine occupée, le soin au service de la libération
Par la docteure Samah Jabr, psychiatre et psychothérapeute palestinienne

Histoire des luttes / La maternité des Lilas, un symbole féministe qui refuse de céder
Une vie de résistance et d’avancées face à l’ordre patriarcal et libéral

Fiche outil / Les bons conseils de Z pour un massage du périnée
Comment assouplir ton muscle releveur de l’anus ?

Reportage / VIH & hormones pirates
Une petite histoire de la santé communautaire TPBG stéphanoise

Poème / Le sac dans l’entrée

Entretien croisé / Subvertir l’ordre médical et repolitiser le soin
Avec Zoéline et Mathilde, médecins en centres de santé communautaire ruraux et membres du Syndicat de la médecine générale

Appel à soutien / « Un bloc opératoire dans la forêt lacandone »
Pour une santé autonome en terre zapatiste

Témoignage / « Je vais faire du “tuppercare” »
Nadia, militante de la santé communautaire chibania

Reportage / Pour une prise en charge collective de notre alimentation
Avec Sarah et Josie, de la cantine Terrain des Saveurs

Discussion croisée / « À force, c’est épuisant »
Quand manger devient compliqué

Témoignages / Toustes à bord !
Pair-aidance, rétablissement et accès aux droits

Ateliers d’écriture / « Garder des forces que l’on ne veut pas rendre »
Fragments écrits depuis Les Moyens du Bord et l’Alphée

Making of / La vie plus belle que jamais
Un remake autogéré du feuilleton préféré des Français·es, made in Sainté


Et aussi

Entretien / Alarm Phone fête ses 10 ans !
Aucune frontière n’est éternelle

Entretien / « C’est la réalité de ce que vit le peuple kanak : une justice coloniale »
Mobilisations contre les déportations de prisonnièr·es kanak en France

Histoire des luttes / « Notre cœur était en Turquie »
Les ouvrièr·es du Sentier, ou la révolution en exil

Saint-Étienne et la santé en quelques médias

Merci merci merci

Cinq ans après le pic de la pandémie de Covid-19 et les hommages aux soignant·es, la casse du système public de santé continue. Les gouvernements successifs rognent toujours plus sur son budget, alors que ceux des armées ou de l’intelligence artificielle explosent. Hôpitaux, urgences et maternités publiques continuent de fermer, au plus grand plaisir des investisseurs et entreprises privées, pour qui nos maladies sont autant de sources de profit. Celles et ceux qui font tenir l’hôpital sont épuisé·es. Les Plannings familiaux sont attaqués par l’extrême droite, et l’aide médicale de l’État par les politiques xénophobes. Et si la santé mentale a été décrétée « grande cause nationale en 2025 », l’idée derrière cet effet d’annonce est surtout de faire porter la responsabilité de leur guérison aux malades et à leurs proches. Le saccage se joue à deux niveaux : détruire un système de santé hérité des luttes sociales, tout en restreignant toujours plus l’accès aux soins des personnes déjà opprimées et précarisées.

Il n’en fallait pas plus pour que la thématique du soin et de la santé s’impose. Au moment de choisir notre lieu d’enquête, deux d’entre nous sont enceintes et habitent à Saint-Étienne. S’y retrouver nous semble la meilleure façon de continuer l’aventure ensemble. Quelques mois plus tard, depuis la maison qu’on nous prête en haut de la rue de la Sablière, entre deux réunions à l’Amicale de Tardy et un repas à la cantine de Terrain des Saveurs, on se familiarise peu à peu avec la ville. Saint-Étienne, ou Sainté pour les intimes, ville du parler gaga – dont on a glissé quelques expressions dans les titres de ce Z –, du stade du Chaudron et de ses ultras, des nombreuses amicales laïques, cantines solidaires et réseaux d’entraide, ses sept collines et ses crassiers, d’où s’échappent encore les chaudes fumées de son passé minier. Ancienne ville de l’armement, des cycles et des rubans, Saint-Étienne compte 50 000 habitant·es de moins qu’il y a cinquante ans. Aujourd’hui, la métropole lyonnaise voisine voudrait en faire son dortoir.

Manque de médecins, racisme médical, tarification à l’acte, violences gynécologiques, privatisation des lieux de soins : se soigner est une lutte des classes de tous les jours. À Saint-Étienne, on a rencontré des personnes qui se battent pour que les soins soient accessibles à toutes et tous, dans ou en dehors des institutions : association d’entraide entre chibani·as, infirmièr·es et agent·es d’entretien des hôpitaux, militant·es du soin communautaire transféministe ou membres de groupes d’entraide mutuelle, etc. Dans leurs pratiques, iels redoublent d’inventivité pour construire des manières de prendre soin qui déjouent les oppressions. La santé pour toustes passe par des changements radicaux dans nos façons de produire et de vivre.

Ce numéro est aussi traversé par nos propres vécus. Pendant sa création, on s’est confié des expériences intimes, parfois douloureuses. D’errances psy en parcours d’infirmière, de maladies chroniques en techniques de massage du périnée, on a essayé de se soutenir dans l’écriture de ces expériences qui nous situent et nous transforment.
Alors que la période actuelle est marquée par la réaffirmation de la suprématie blanche et la montée du fascisme, par des attaques toujours plus intenses contre les minorités et les pauvres, il est de plus en plus important de se battre pour des vies dignes et joyeuses. Ce numéro s’inscrit dans le sillon de celleux qui prennent soin, au quotidien, d’elleux-mêmes, de proches, d’ami·es, de voisin·es, d’inconnu·es, humain·es, animal·es, végétal·es, quel·les qu’iels soient. Prendre soin, c’est lutter ensemble.

Toulouse et Saint-Étienne, 3 avril 2025