Pour l’autodéfense féministe
12,00 €
Ni art martial, ni technique de développement personnel, l’autodéfense féministe est un indispensable outil de prévention des violences. L’enquête de Mathilde Blézat auprès de participantes à des stages d’autodéfense montre que c’est aussi le levier d’une profonde transformation de leur rapport à l’intimité et au monde : une arme de la révolution en cours.
Publié en février 2022
224 pages – 11 x 18 cm
ISBN 9782491109042
Revue de presse
« Un livre nécessaire. » CQFD
« Dans son livre, Mathilde Blézat rappelle à quel point il serait primordial que l’Education nationale française se saisisse aussi de cet outil de prévention. Cela demanderait du temps, de l’argent et une volonté politique de considérer qu’apprendre aux femmes et aux enfants à se défendre est tout aussi important que de défendre leurs droits. » Un podcast à soi
« Un livre magnifique qui se dévore du début jusqu’à la fin. » La titanesque
« Un bouquin très riche. » Le gang des gazières
« L’autrice insiste sur les dimensions collectives, la sororité, la création d’un nouvel imaginaire collectif qui brise l’isolement, les transmissions de savoirs, la présence dans le monde et l’agir au-delà de soi… » Entre les lignes entre les mots
« L’autodéfense féministe part des situations réelles de violence vécues par les femmes agressées et prouve qu’il n’est pas obligatoire d’être jeune et en pleine santé pour utiliser efficacement les techniques de défense. » Délibéré
« Excellent » Voix de zouz
« Un chouette livre. » Radio Panik
Sommaire
Introduction. La brèche
Les corps se déplient, les gorges se dénouent
« À elles aussi, ça a changé leur vie ? »
Chapitre 1. Une mise en pratique du féminisme
Des « Suffrajitsu » au Cell 16, un mouvement qui (re)naît à chaque vague féministe
De la semi-clandestinité à l’association, le récent essor de l’autodéfense en Belgique et en France
Des pouvoirs publics indifférents
Des formatrices engagées et précaires
Des principes féministes et une palette d’outils variés
Témoignages. Histoires de réussite
Chapitre 2. S’adapter à toutes : co-construction et mixités choisies
Diversifier les profils et les lieux d’intervention
Au plus près des réalités liées à l’âg
Renforcer les capacités, à rebours d’un regard validiste
« Faire grincer l’institution » : devenir animatrice avec un handicap intellectuel
L’autodéfense « à la sauce sourde »
Penser une autodéfense féministe antiraciste
L’autodéfense, au-delà de la « diversité de l’être femme »
Témoignages. Vécus de stages
Chapitre 3. « Un avant et un après »
Le déclic
S’outiller, se sentir puissant
Un rapport nouveau à la violence
Contre le déni de riposte, reprendre du pouvoir sur les vécus
Rompre l’isolement, se reconstruire
Diminuer les agressions et les impacts de celles-ci
Le monde qui s’élargit
Sororité
Transmissions
Être présente au monde, agir au-delà de soi, militer
Témoignages. Sororité adolescente
Conclusion. Autodéfense féministe pour toutes, tout de suite !
« Pas une de moins »
Développer une culture de l’autodéfense féministe
Pour un mouvement vivant, populaire et autonome, arme de la révolution féministe
Annexes
ANNEXE 1. ASSOCIATIONS D’AUTODÉFENSE FÉMINISTE
ANNEXE 2. NUMÉROS D’URGENCE, PERMANENCES ET ASSOCIATIONS EN FRANCE
ANNEXE 3. RESSOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
Extraits
Qu’est-ce que l’autodéfense féministe ?
Pages 52-53
En pratique, un stage d’autodéfense féministe se déroule souvent sur deux jours, le temps d’un week-end. Il existe aussi des démonstrations plus courtes, des entraînements réguliers ou encore des formes morcelées en ateliers thématiques, en fonction des besoins et des disponibilités. Pendant le stage, on s’exerce à poser ses limites, on teste des ripostes verbales en faisant des jeux de rôle, on s’échauffe la voix et le corps, on apprend des cris, des coups, des dégagements et des enchaînements ; on imagine des situations où l’on se défend. Il y a aussi des rituels collectifs et des temps de discussion dédiés au partage d’expériences et de ressources, tout cela dans un cadre non mixte, entre femmes. Les mécanismes des violences conjugales et intrafamiliales et des agressions sexuelles, ainsi que la place du viol dans la société sont décortiqués, les lieux des agressions et les agresseurs décrits de manière réaliste, statistiques à l’appui.
Contrairement aux idées reçues, l’autodéfense féministe ne se limite donc pas à des exercices physiques – ceux-ci n’y dépassent jamais les 50 % du temps de stage. Ce n’est pas un art martial ou un sport de combat, mais une pratique de prévention primaire centrée sur l’autonomie et le choix des personnes. L’objectif est d’augmenter la confiance en soi et de faire tomber les sentiments de vulnérabilité et de culpabilité face aux violences des hommes – autant de barrières mentales héritées de la socialisation genrée. C’est se donner le droit, la légitimité à se défendre.
Le cri de pouvoir
Page 73
Son regard perce celui de celle qui se tient à quelques centimètres. Glaçant, il n’oscille pas. Sur une profonde inspiration, son corps semble s’irriguer tout entier d’une colère froide, maîtrisée, tournée vers un unique objectif. Un silence grave s’est abattu sur la salle du centre social. À la fin de l’inspiration, la déflagration : « VA-T’EN ! », de la voix et du geste. Celle qui s’est portée volontaire pour figurer l’agresseur recule d’un pas et signe : « OK, OK, j’ai compris. » Elle a ressenti les vibrations du cri qui a percuté les murs. On se regarde, interloquées : comment arrive-t-elle à tenir un tel regard ? Et cette explosion d’un corps tout entier en un cri, une onde, si profond ? La première riposte montrée par la formatrice est toujours une surprise.
« On est rentrées dans le corps, petit à petit. Le “cri de pouvoir”, dès le début, ça, c’était une grosse claque. Parce que tu te rends compte que tes attentes vont être déviées : tu n’es pas du tout en train d’apprendre à faire la super karatéka, mais à voir comment ton corps est puissant, au-delà de tout ce que tu soupçonnes. La formatrice a galéré pour nous faire crier, mais peu à peu, c’est monté en puissance. Je regrette qu’on ne le fasse pas plus souvent. Il faudrait organiser des sessions de cris dans les bois… » (Lou*, 36 ans)
Toquer à la porte des chambres
Pages 90-91
De manière générale, explique Lydia La Rivière-Zijdel, il y a plus de personnes qui, au quotidien, jouissent d’une position de pouvoir sur les femmes handicapées et sont donc susceptibles de les agresser : médecins, kinés, chauffeurs de taxi ou d’ambulance, interprètes en langue des signes et autres prestataires de services. « Si tu dépends de quelqu’un pour t’habiller, te laver, ça peut être difficile de faire la part des choses entre ce qui est une agression et ce qui n’en est pas une et de la pointer. Et quand tu vis en institution, c’est compliqué de mettre fin à une situation de violence, tu ne peux pas juste décider d’aller vivre ailleurs. » Aussi, avant de se rendre dans une structure d’hébergement, Lydia La Rivière-Zijdel s’assure toujours qu’il y a un protocole précis à suivre au cas où des violences seraient commises sur des résident·es. « S’il n’y en a pas, je viens avec un modèle et je leur explique pourquoi c’est primordial d’en avoir un, ainsi que de respecter les demandes que les femmes pourraient avoir à l’issue du stage (respect de l’intimité ou du consentement par exemple) et de prendre au sérieux les situations qu’elles dénonceraient. Sinon, ça ne sert à rien d’organiser un cours d’autodéfense… » À chaque fois, elle propose aussi de former le personnel au sujet de la violence institutionnelle. « Même les choses les plus basiques, parfois, ne sont pas acquises, comme le fait de toquer à la porte des chambres avant d’entrer », se désole-t-elle.
La « magie de l’autodéfense »
Pages 154-155
« Il y a eu ce moment où on devait se mettre en rond pour crier notre colère, se souvient Nadia. Je me suis mise en même temps à pleurer, et après il y a eu beaucoup de sororité, d’attention, de bienveillance. » Si les participantes ne se connaissent généralement pas en arrivant au stage, en quelques heures, grâce à la mixité choisie, aux informations et techniques échangées et au cadre posé par la formatrice, elles prennent conscience de vécus communs ou proches et construisent une véritable force collective. « J’ai beaucoup aimé être témoin de la manière dont les corps des autres changeaient au fil des deux jours, des corps de tous âges, de toutes capacités, se souvient Lou. Tu te vois dans l’expérience de l’autre et ensemble il y a une prise de conscience et une transformation qui s’opèrent. » La formatrice Irene Zeilinger appelle cela « la magie de l’autodéfense » : « Il y a un truc qui se passe et on se sent mieux, plus forte, plus en lien aussi avec les femmes du groupe, que l’on soit participante ou formatrice. »
Mathilde Blézat est journaliste et autrice, membre de la revue Z depuis 2012, co-fondatrice de la revue Panthère Première et co-autrice de l’ouvrage « Notre corps nous-mêmes » (février 2020, éditions Hors d’Atteinte). Elle est militante féministe depuis plus de 15 ans.